03. LA FIOLE DU DOCTEUR TYPHON
LA FIOLE DU DOCTEUR TYPHON
De retour chez lui, le Professeur Trognon jeta son livre sur son bureau, et retourna vers l’entrée, pour retirer ses rollers. Il fila dans la salle de bain, histoire de se refaire une santé, en utilisant le principe d’Archimède pour détendre ses pieds doulourement gonflés.
Dans son petit appartement parisien, il vivait éloigné de ses racines normandes. Ses parents avaient tenté de le pousser vers des études sophistiquées qu’eux-même n’avaient pu bénéficier. Comme son père, ancien charpentier de marine, qui avait vu disparaître les navires en bois, il aimait les les voiliers, la physique des fluides, astrophysiques et les points cardinaux. Pour faire plaisir à sa mère pharmacienne, il avait passé sa thèse en chimie organique. Cela répondait à une exigence testamentaire de son arrière grand-père maternel : le Docteur Typhon. Ce dernier, comme de nombreux savants de son temps, ne s’était pas cantonné à la recherche médicale. La culture humaniste déclenchait chez tous ces personnages un besoin de connaissance dans les domaines.
La conséquence de ces études pluridisciplinaires avait conféré à Périn Trognon, le titre prestigieux de professeur émérite et l’estime de ses collègues chercheurs. Outre la gloire, il recueillit aussi le cadeau testamentaire du docteur Typhon, que le notaire lui remit avec d’infinies précautions. On est jamais trop prudent. Le docteur Typhon avait des relations le redouté Alfred Nobel, inventeur de la dynamite.
En fait, on ignorait ce qu’était devenu cet aîeul. Il avait disparu tout simplement. Comment ? Quand ? Où ? Pourquoi ? Toutes ces questions étaient restées sans réponse au grand désespoir de sa femme et de sa descendance. Mais ce qui avait intrigué le plus, est le fait qu’il avait peu de temps avant qu’on s’aperçoive de cette absence, un acte testamentaire avec la mise en dépôt chez un notaire de ses amis, ancien camarade de lycée, en qui il avait toute confiance.
Quand Pépin avait ouvert la boite, il tourva une lettre posée sur une grosse masse compacte de ouate, qui protégeait une fiole. Il décacheté le pli et commença à lire :
« Toi qui me lit, j’espère que tes compétences sont suffisantes pour comprendre ce qui a pu m’arriver. Dans le doute, abstient-toi d’utiliser ce qui reste du résultat de mes travaux sur les différents types de sirop.
Mes dernières recherches portaient sur le rajeunissement des organismes vivants. Je crois avoir trouvé la bonne formule. Seulement, elle n’est pas stable. Car, après la cure de rajeunissement, les souris se remettent à vieillir et il m’a semblé qu’elle vieillissaient encore plus vite.
J’ai donc réalisé un élixir encore plus puissant enrichi d’une molécule d’un conservateur plus stabilisant. Les premiers résultants sont étgranges. Les sujets (végétaux ou animaux) disparaîssent totalement sans résidus, sans trace, comme s’ils n’avaient jamais existé. Je n’ai donc plus le choix. Je dois essayer le sirop pour savoir ce qui se passe. J’ai foi dans l’avenir et j’espère que vous arrriverez à me faire revivre grâce aux travaux les plus récents.
Bonne chance et merci
Docteur Zéphir Typhon
N.B. : une seule goutte suffit ! »
Grand sceptique, Pépin avait souri, regardé la fiole et son étiquette au style écolier d’autrefois. Il admira l’inscription violette faite à la plume que la boîte avait protégée de la lumière : SIROP TYPHON.
Il avait rangé la boîte dans le coffre-fort où il rangeait se travaux les plus confidentiels craignant le vol intellectuel ou la risée des confrères suivant le type de recherche menée, pas toujours très orthodoxe.
Car comme tout chercheur de très haut niveau qui se respecte et malgré son esprit entraîné à éviter les obstacles épistémologiques, il avait « le défaut », l’idée fixe : l’ouest.
En effet, de tous les points cardinaux : l’ouest était une véritable obsession. Il n’avait pas à comprendre pourquoi on persistait à utiliser le nord comme référence d’orientation. Quoi de plus trompeur que ce nord magnétique ? il ne cessait de bouger, de se déplacer. On avait même prouver que, dans le passé, les pôles s’étaient inversés à plusieurs reprises, et plus grâve, à certaines périodes, les champs magnétiques s’étaient subdivisés en plusieurs zones disparates. De quoi affoler les boussoles les plus honnêtes !
Alors que l’ouest. Il est là. Il ne bouge pas, lui. La Terre tourne, mais il ne bouge pas. Même en tournant plus vite, elle n’arrivera pas à le lacher
Et l’Est, c’est pareil ! eh bien, non, pas du tout. Tiens bon la barre du navire, pour aller en Amérique, il faut aller vers l’ouest, mais pour revenir vers l’Europe, donc à l’Est, il faut remonter vers le Nord. C’est incroyable, mais c’est exactement la route suivie par Christophe Colomb et qui marche encore aujourd’hui. Contrairement à celle qu’ont suivie les Vikings. Ils ont essayé en partant du Nord vers le Sud en suivant les côtes. Ils ont laissé tomber.
C’est pareil pour les avions, ils vont plus vite à aller à l’Ouest qu’à en revenir. Curieux n’est-ce pas ?
Comme d’habitude, le Professeur Trognon en était là deviser dans sa baignoire, quand, peu à peu, lui apparut les yeux. Il se plut à les contempler, avec les cils qui frémissait doucement. Le doux regard de la libraire le fixait attentivement, puis devint rassurant. « Rien de grave ! » avait-il entendu. Il comprit qu’il avait été tout de même choqué, au point que pour la première fois de sa vie, il avait pris un livre, sans savoir lequel. Il avait vraiment perdu le Nord !
Il n’arrivait pas à se souvenir comment il était tombé. Il avait le sentiment qu’on l’avait poussé ou entravé, dans son champ de vision, il avait cru voir. Mais rien de net. Il subsistait seulement le parfum de la dame en noir. L’image de Baudelaire se juxtaposa à celle du « Lotus bleu ». Tiens ? Pourquoi Tintin ? Sa mémoire lui jeta un mot : « Opium ». Il sursauta. Il avait oublié qu’il était dans l’eau.
Il se secoua, s’ébroua en sortant du bain. Il se sentait fatigué, alla se couché sans dîner.
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